разве ж первоисточник не это :
UNE CHAROGNE
Rappelez-vous l'objet que nous vimes, mon ame, Ce beau matin d'ete si doux: Au detour d'un sentier une charogne infame Sur un lit seme de cailloux,
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique, Brulante et suant les poisons, Ouvrait d'une facon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire a point, Et de rendre au centuple a la grande Nature Tout ce qu'ensemble elle avait joint;
Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'epanouir. La puanteur etait si forte, que sur l'herbe Vous crutes vous evanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, D'ou sortaient de noirs bataillons De larves, qui coulaient comme um epais liquide Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait commme une vague, Ou s'elancait en petillant; On eut dit que le corps, enfle d'un souffle vague, Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une etrange musique, Comme l'eau courante et le vent, Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rhythmique Agite et tourne dans son van.
Les formes s'effacaient et n'etaient plus qu'un reve, Une ebauche lente a venir, Sur la toile oubliee, et que l'artiste acheve Seulement par le souvenir.
Derriere les rochers une chienne inquiete Nous regardait d'un oeil fache, Epiant le moment de reprendre au squelette Le morceau qu'elle avait lache.
— Et pourtant vous serez semblable a cette ordure, A cette horrible infection, Etoile de mes yeux, soleil de ma nature, Vous, mon ange et ma passion!
Oui! telle vous serez, o la reine des graces, Apres les derniers sacrements, Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses, Moisir parmi les ossements
Alors, o ma beaute! dites a la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j'ai garde la forme et l'essence divine De mes amours decomposes! (“Les Fleurs du mal”, 1857)
_________________ ENTIA NON SUNT MULTIPLICANDA PRAETER NECESSITATEM Non lex est rex, sed rex est lex !
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